vendredi 10 juillet 2009


Mercredi 6 juillet, premier jour de montage.
Julien et Théo notent les time code de début et fin de tous les plans des rushes du film. C'est une tâche fastidieuse, échauffement parfait avant le grand saut dans l'écriture du film. Je suis assis dans le dos de mes amis. Les allers-retours du lecteur beta font ressortir les grains de la pelliccule. Je suis comme un homme qui attend depuis des années de faire le voyage de sa vie. Il tourne maintenant en rond dans l'aéroport international en guettant les écrans qui indiquent les départs et les arrivées des avions.

Vendrdi 10 juillet
La semaine a passé vite, entièrement consacrée à la mise en place technique. Il nous reste cinq semaines pour faire le montage proprement dit du film. Un long métrage dont j'ignore encore quelle sera sa durée finale. J'ai la chance d'avoir Julien aux commandes des machines, assisté de Théo, compagnon de mes premiers essais de montage en beta analogique. Et la P'tite (Céline), qui est là depuis le premier jour de tournage avec sa perche en carbone, son magnéto tout petit, sa mixette à la ceinture... elle nous aidera à construire le son du film. Aaron, de temps en temps, est passé jeter un oeil, pour voir ce qu'on va faire de ses images... Pour l'instant, rien qui puisse le bouleverser. Edit list, acquisition... de la technique que le langage technique ne décrit pas. Hier matin, nous sommes passés de la salle 2 à la salle 3... ça n'a l'air de rien. Et pourtant, je sens déjà l'excitation engendrée par les pas qui succèdent aux pas : l'horizon va basculer d'un instant à l'autre.

Samedi 11 juillet
Une journée sans travailler, ça n'existe pas. Car "ça" travaille malgré tout. Sur les tournages, il y a beaucoup de ces moments où rien d'apparent ne se passe. Avec Aaron et P'tite Céline, on en rigolait souvent. Jamais on n'en faisait un sujet d'angoisse. On en rigolait plutôt, parce que, justement, même dans les moments où on ne faisait rien, il fallait faire descendre la pression.
C'est la première fois que je me trouve dans cette étape de cinéma : montage d'un long métrage produit.
Seul, je serais nulle part.

Dimanche 12 juillet
Rien à voir avec un puzzle à assembler.
Plutôt quelque chose comme retrouver des photos, des cahiers, des lettres, une vieille cassette...
en faisant les cartons avant un déménagement.

Mardi 14 juillet
Nous avons passé l'après-midi d'hier à poser les sons sur les plans tournés avec du son synchrone. Geste élémentaire de cinéma. Aussi essentiel à l'imagination que de frotter l'idée contre le mot lorsqu'on écrit un texte.
Les décalages de quelques images produisent une saveur particulière.
A la question "on commence par quoi ?", j'ai dit à Julien : par mon fils. Il est celui à qui je raconte l'histoire familiale, l'acteur qui interprète mon rôle quand j'avais son âge, le personnage qui ancre le film dans la fiction.
Mon fils : il est naturellement le petit-fils de ma mère adoptive, quand de ma mère adoptive je suis devenu le fils avec le temps.
Pour le dire autrement : mon fils est naturellement le petit-fils de ma mère adoptive comme je suis naturellement le frère de mon frère adoptif, et comme nos enfants seront naturellement cousins sans plus rien relevant de l'adoption.
C'est aussi cela (pas seulement), la fin de l'exil.

quand j'ai écrit "
nous sommes passés de la salle 2 à la salle 3... ça n'a l'air de rien.", c'était aussi pour ça :

"un journal de montage qui commence,
un autre qui se termine
,
quelques mots sur la lancée de kiyé, nés de la fatigue du montage mélangé aux visions du fid,
bientôt l'atelier, faut se réveiller!!!


Alpini...

montage achevé pour moitié, à demi, « plus qu 'une maquette », oui, c'est
juste que ce sont pas ses dimensions au film pour le moment. On n'échappe même pas à
quelques décalages de trames et à l'effet peigne sur les images repiquées
d'internet, cauchemars des cinéastes amateurs de DV...

pour ça aujourd'hui je reprends la "conception du DVD", un premier a été
édité mais assez compressé car certaines images ne sortent pas comme il faudrait dans sa
compression originale, je connais le problème, plusieurs codecs de départ,
ainsi, je reprendrai certaines sources pour les modifier à la base, afin
d'exporter tout dans le bon CODEC...

je vais revoir le film via le media DVD pour vérifier encore une
fois avant la suite tous les titres et intertitres, sous-titres, et
courbes de sons ...

et quand ju' et kyié sortent de la salle de montage, je reprends ma place
habituelle pour quelques heures et dans la semaine j'éditerai les exports sons pour
le travail sur X-track.

Partie technique numérique
Importante, laborieuse quelquefois,
j'aime assez ça

et j'aime bien aussi cette conception "du montage à la serpe" qui est ici
l'envers du décor parce qu'on a fait un peu de tricot au coin du feu de l'ordi
portable de JFN, mais quand même, j'en parle plus loin, la serpe est revenue!

buvons un coup ma serpette est perdue, mais le manche mais le manche...
buvons un coup ma serpette est perdue, mais le manche est revenu...
vous connaissez peut-être cette cette chanson populaire, je me suis jamais
penchée sur le sens des paroles parce qu'on la chante en mettent une seule
consonne à la fois, "bavasaka ma sarpatte a parta... hum...


pendant le festival
je vois avec lo « vent d'est » écrit par cohn bendit et godard, plus un
italien,
Et La Rabbia, rénové par davide et laura à immagine ritrovata, et là pour
le coup, l'image est retournée, révulsée dépassée par le fait qu'elle soit
retrouvée, car elle l'est pas pour le patrimoine, " aujourd'hui tournons-nous vers hier
", pire quelquefois vers demain, mes frères, Dieu, MOI"
Mais elle l'est pour l'instant T. pour toi, toi et toi, maintenant et dieu
est marilyne monroe...


Plus de cinéma corrosif comme ceux-là dans ce qu'on voit, j'suis d'accord, le
minimalisme est de rigueur, souvent la politesse qui va avec..
Le film de jean-françois n'est pas très poli et syncopé des dernières coupes
abruptes qu'il subit, il a pris de l'allure...

je vis avec lui au quotidien, en ayant les sons dans ma tête, même si pour
le moment ce ne sont plus des bribes de paroles qui restent en tête mais la musique des
partisans qui s'évapore pour laisser place à l'accordéon de l'auberge, le
swing de la victoire, amère refrain..

Le 1er novembre 1975. Pasolini réponds à la question
" selon toi, précisément, à quoi ressemble le pouvoir? Où est-il? Où se
trouve-t-il?
Comment le définis-tu? "

Le pouvoir est un système d'éducation qui nous divise en vainqueur et en
vaincu. Mais attention: un même système d'éducation qui nous forme tous. Depuis ce
qu'on appelle la classe dirigeante jusqu'aux plus pauvres. Voilà pourquoi tous
veulent la même chose et de façon identique.
Si je dispose d'un conseil d'administration ou d'une manœuvre boursière, je
l'utilise. De même si je n'ai qu'un gourdin. Et quand je frappe je fais
violence pour obtenir ce que je veux. Parce que l'on m'as enseigné que c'était bien
de le vouloir. J'exerce donc mon bon droit. Je suis assassin et je suis bon.

Juste avant il dit :

c'est élémentaire : moi, de ce côté-ci, toi de ce côté-là. Mais ne
plaisantons pas avec le sang, la douleur, la peine que les gens ont aussi dû payer au
moment de faire ce choix. Lorsque tu restes le visage écrasé contre cette heure,
contre cette minute de l'histoire, choisir est toujours une tragédie. Cependant,
admettons-le, c'était plus simple à l'époque. (…)

une nouvelle Rabbia a vu le jour dans un film de 2009, enfin,
"l'impossible, page arrachées"
quelques pages arrachées à l'histoire de notre actualité trop impossible à
cerner.
de la poésie, des actes, du désespoir et de l'espoir mélangés, Choisir...

dans le film Alpini il y a une séquence qu'on a pas montée, et du son qui
est absent, ou trop hasardeux quelquefois, et des choses doivent certainement venir de
là.
L'amère... et l'invisible, à retrouver. encore.

une divagation sur le temps, dans lequel les CUCHI feraient figure d'éternel. ?...


je suis heureuse d'avoir travaillé à ce montage, cette "montagne sacrée" à
monter...
gorin dit une chose intéressante en rapport à pasolini c'est que jusqu'à une
certaine époque, les images d'actualités étaient "montables", soit qu'il était
possible de déplacer leur sens, d'user de leur dialectique..
c'est intéressant, ce rapport-là directement vécu par le biais du montage
d'alpini où se côtoient des images de propagande des année 3O et d'aujourd'hui, faites
dans les deux cas par des amateurs. Les images de partisans de Schio sont foudroyantes
d'autonomie, de récit, de visages, de rythmes, de poésie, d'absolu. un
plan compte pour un. La vidéo des soldats italiens en irak est un clip terne fait de
mouvement de caméra à l'homme, il est homme-surveillance, serti de trois effets bidons
qui endorment...

cette après-midi on a vu "Enthousiasme. Symphonie....",
1er film sonorisé de dziga vertov, mes yeux pleurent et mes oreilles rient...
il faut sonoriser le canon qui gravit la montagne,

...

je vous embrasse,
caro."


ps. "Alpini" est un film de Jean-François Neplaz. Caroline Beuret et JFN sont membres du collectif S.A.C.R.E. (Studio Autonome du Cinéma de RecherchE)




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